Chanoki : Redéfinir les traditions du thé japonais
- Lorela Lohan
- Jun 7
- 7 min read
Entretien avec Guillaume, fondateur de Chanoki
Cet entretien est disponible en français et anglais.
This interview is available in French and English.
Lorela: Pouvez-vous nous parler de l'inspiration derrière la création de Chanoki ? Comment votre parcours universitaire a-t-il nourri cette aventure, et quelle vision du thé souhaitez-vous partager à travers votre boutique ?
Guillaume: Je suis arrivé au thé par mes études, d'abord en master, puis en doctorat, en me consacrant à l'histoire de la production du thé au Japon. Pendant dix ans, je nourrissais l'idée d'ouvrir une boutique. Chanoki est donc à la fois un aboutissement et un début : un espace à mon image, simple, accessible, loin des clichés spirituels souvent associés au thé. Mon ambition est de proposer un lieu décontracté, familial, où l'exigence est dans la tasse, pas dans le décorum.
Chanoki est un espace à mon image, simple, accessible, loin des clichés spirituels souvent associés au thé.
Lorela: Qu'est-ce qui vous a poussé à mettre en avant des thés issus de régions méconnues du Japon ? Est-ce une volonté militante de sortir des sentiers battus du marché japonais ?
Guillaume Ce n'était pas une volonté délibérée, mais plutôt une conséquence de mes goûts personnels. J'apprécie les thés de terroirs moins prestigieux, souvent jugés comme "de seconde zone". Ces régions offrent pourtant des produits uniques, nés d'initiatives locales, parfois même de traditions oubliées.
J'aime mettre en lumière ces producteurs qui sortent des standards dominants du marché japonais.
Lorela: Comment sélectionnez-vous les producteurs et les thés proposés sur Chanoki ? Quelle place accordez-vous à la relation humaine, au terroir et à l'expérience sensorielle dans ce processus ?
Guillaume: Au début, j'achetais les thés à titre personnel. S'ils me plaisaient, je contactais les producteurs, souvent en japonais. Je ne demande jamais d'échantillons gratuits, par respect. Ensuite, je fais goûter les thés à mon entourage proche. Le critère décisif, c'est que le thé apporte quelque chose de nouveau à la gamme existante.

Lorela: Vous avez étudié l’histoire de la production du thé au Japon — et en japonais ! Comment ces recherches académiques sur les techniques anciennes et les pratiques rurales ont-elles influencé vos choix de sourcing ?
Guillaume: Mes recherches (fin XVIe - mi-XIXe) m'ont révélé des techniques méconnues, parfois toujours pratiquées. Cela m'a conduit à m'intéresser à des thés plus rustiques, produits en petites quantités, comme les thés séchés au soleil. L'un de mes producteurs s'est spécialisé dans ce type de thé unique, loin des standards industriels.

Lorela: La durabilité semble être une valeur clé pour Chanoki. Pourquoi ce choix de travailler avec des producteurs sans pesticides ni engrais, même non certifiés bio ?
Guillaume: Je travaille avec des producteurs qui n'utilisent ni pesticides ni engrais. Beaucoup pratiquent même l'agriculture naturelle. Je préfère les thés peu umami, plus légers, et ces méthodes de culture s'accordent mieux à mes préférences gustatives. Importer des thés "propres" facilite aussi les démarches douanières.

Lorela: Quels ont été les plus grands défis rencontrés en tant que fondateur ? Comment avez-vous concilié vos choix éthiques avec les réalités commerciales ?
Guillaume: Le plus grand défi, c'est de se faire connaître, surtout avec peu de budget marketing et une boutique située en proche banlieue parisienne. Le bouche-à-oreille fonctionne bien, mais il faut aussi que les clients osent traverser le périphérique.
Équilibrer qualité de vie et visibilité commerciale est un exercice constant.
Lorela: Comment percevez-vous l'évolution de la culture du thé en France et en Europe ? Quelles opportunités et limites identifiez-vous dans cet engouement croissant ?
Guillaume: Je vois une curiosité croissante, même chez les buveurs occasionnels. Une fois que les clients découvrent un thé nature bien adapté à leurs goûts, ils sont souvent conquis. Je souligne aussi que le thé reste abordable en coût par tasse, même pour des thés haut de gamme.
Lorela: Pourriez-vous partager un moment ou une découverte particulièrement marquante au cours de l'aventure Chanoki ? Y a-t-il un souvenir qui incarne votre passion pour les thés rares ?
Guillaume: Recevoir certains thés rares, produits en si faible quantité qu'ils sont parfois consommés uniquement à l'échelle d'un village, a été un véritable frisson.
Faire parvenir ces thés jusqu'à la boutique, c'est toujours une aventure sensorielle et humaine.
Lorela: Y a-t-il de nouveaux produits ou projets qui vous enthousiasment particulièrement ?
Guillaume: J’ai fait la découverte de quelques thés dernièrement que j’aimerais faire découvrir, ils ne sont malheureusement plus produits que par quelques personnes, on est parfois sur des consommations ne dépassant pas le village. Il est donc difficile de pouvoir proposer ce type de thé du fait d’une production extrêmement faible, mais j’aimerais pouvoir m’y consacrer un peu plus afin de faire découvrir ces thés qui n’ont souvent pas grand-chose à voir avec l’image que l’on se fait du thé japonais.
Lorela: Si vous deviez choisir, quel est votre thé préféré — et pourquoi ?
Guillaume: Je n’ai pas de thé préféré à proprement parler, mais j’ai un faible pour les kamairicha. Ils sont malheureusement méconnus en France alors qu’il y a une vraie richesse et beaucoup de thés consommés très localement sont des types de kamairicha. J’en ai un en tête, il n’a pas de nom, qui a un goût très marqué de nori, cacao, avec une belle minéralité, fait entièrement à la main. Rien que pour trouver son lieu de fabrication, cela a demandé beaucoup de recherches. Même si tous les thés m’intéressent et je suis à chaque fois impatient de les gouter, les thés dont j’ai parlé auparavant me procurent plus de frissons et je suis à chaque fois impatient de pouvoir y goûter car nous partons dans un inconnu gustatif avec des techniques différentes très loin des standards actuels.
Je n’ai pas de thé préféré à proprement parler, mais j’ai un faible pour les kamairicha
Chanoki: Redefining Japanese Tea Traditions
An Interview with Founder Guillaume
Lorela: Can you tell us about the inspiration behind founding Chanoki? How did your academic background influence this journey, and what vision of tea do you aim to share through your shop?
Guillaume: I discovered tea through my studies, first during my master’s degree, and then through a doctorate focused on the history of tea production in Japan. For ten years, I nurtured the idea of opening a shop. Chanoki is both a culmination and a beginning: a space that reflects who I am — simple, accessible, and far removed from the spiritual clichés often associated with tea. My ambition is to create a relaxed, family-friendly place where the real focus is on the tea itself, not on formality.
Lorela: What led you to highlight teas from lesser-known regions of Japan? Was it a conscious choice to break away from the mainstream Japanese tea market?
Guillaume: It wasn’t a deliberate choice, but rather a consequence of my tastes. I appreciate teas from less prestigious terroirs, often unfairly seen as “second-tier.” These regions offer unique products, born of local initiatives and sometimes even forgotten traditions. I love shining a light on producers who step outside the dominant standards of the Japanese tea industry.
Lorela: How do you select the producers and teas featured at Chanoki? What importance do you place on human relationships, terroir, and sensory experience in this process?
Guillaume: In the beginning, I would purchase teas for personal enjoyment. If I liked them, I would contact the producers, often in Japanese. Out of respect, I never ask for free samples. I then share the teas with close friends and family for tasting. The decisive factor is whether the tea brings something new and distinctive to our existing selection.
Lorela: You studied the history of tea production in Japan — in Japanese! How have your academic studies on ancient techniques and rural practices influenced your sourcing choices?
Guillaume: My research, focused on the late 16th to mid-19th centuries, uncovered little-known techniques, some of which are still practised today. This led me to develop an interest in more rustic teas, produced in small quantities, such as sun-dried teas. One of my producers has even specialised in this unique type of tea, far removed from industrial standards.
Lorela: Sustainability seems to be a key value at Chanoki. Why did you choose to work with producers who use neither pesticides nor fertilisers, even without organic certification?
Guillaume: I work with producers who use neither pesticides nor fertilisers. Many even practice natural farming. I prefer teas with a lighter umami profile, and these cultivation methods align better with my taste preferences. Importing “clean” teas also simplifies customs procedures.
Lorela: What have been the biggest challenges you’ve faced as a founder? How do you reconcile your ethical choices with commercial realities?
Guillaume: The biggest challenge is getting known, especially with a limited marketing budget and a shop located just outside central Paris. Word of mouth works well, but it’s still a challenge to get customers to cross the périphérique. Balancing quality of life and commercial visibility is an ongoing effort.
Lorela: How do you perceive the evolution of tea culture in France and Europe? What opportunities and limitations do you see in this growing enthusiasm?
Guillaume: I see a growing curiosity, even among casual tea drinkers. Once customers discover a natural tea that suits their taste, they are often won over. I also like to point out that tea remains affordable per cup, even for high-end teas.
Lorela: Could you share a particularly memorable moment or discovery from your journey with Chanoki? Is there a memory that truly reflects your passion for rare teas?
Guillaume: Receiving certain rare teas — produced in such small quantities they’re sometimes only consumed at the village level — has been a real thrill. Bringing these teas to the shop is always a sensory and human adventure.
Lorela: Are there any new products or projects that particularly excite you?
Guillaume: Recently, I’ve discovered a few teas that I’d love to introduce. Unfortunately, they’re now produced by only a handful of people, often in quantities that don’t even exceed local village consumption. It’s difficult to offer such teas commercially due to their extreme scarcity, but I hope to devote more time to making these exceptional teas, which challenge the typical image of Japanese tea, better known.
Lorela: If you had to choose, what is your favourite tea — and why?
Guillaume: I wouldn’t say I have a single favourite tea, but I do have a soft spot for kamairicha. They remain relatively unknown in France despite their richness, and many teas consumed very locally fall into this category. There’s one in particular that comes to mind — it doesn’t even have a name — with pronounced notes of nori, cocoa, and a beautiful minerality, crafted entirely by hand. Finding its place of production required considerable research. While I’m interested in all teas and excited to taste each one, these types of teas give me the strongest thrills; they offer a true sensory journey with traditional techniques far removed from today’s standards.
Picture credit: Chanoki.
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